CE PETIT QUI NE NAITRA PAS…
OU ce qu’on a peut-être envie d’entendre, dans ces moments-là…
C’est un cataclysme. Un tout petit qui arrête de pousser, là, bien au chaud pourtant. Un tout petit dont le coeur arrête de battre. Soudain. Comme ça. Sans crier gare, ou alors après de sérieux avertissements.
C’est un cataclysme, dont on réalise tout de suite l’ampleur, mais pas toujours les répercussions.
C’est un cataclysme, qui toucherait une grossesse sur trois, et dont pourtant, tellement peu de Mamans parlent. Comme si elles préféraient bien vite oublier tout ça.
Comme si c’était de leur faute.
Et pourtant, pourtant. Ce tout petit qui arrête de grandir, c’est pas de notre faute à nous. C’est pas faute de l’avoir déjà aimé très fort, même si ce n’était qu’un petit embryon, minuscule. Pour nous, c’était peut-être déjà un vrai bébé. Qui avait peut-être un prénom. Un visage. Une histoire.
C’est un cataclysme qui nous laisse à bout de souffle. Le coeur et le ventre vides. Les larmes qui débordent tout le temps.
C’est une douleur cuisante et irraisonnable. Qu’on pourra peut-être partager à deux, mais tellement plus difficilement avec les autres.
Il y a des tas de phrases toutes faites qui se transmettent, pour rassurer, pour consoler.
La nature est bien faite. C’est le lot d’un tiers des grossesses. Tu retomberas vite enceinte, et cette fois tout ira bien.
Des phrases qui aident un peu. Mais qui ne consolent pas vraiment.
Parce que ce tout petit, on l’aimait déjà si fort. On avait calculé quand il allait arriver. On avait annoncé aux proches la si belle nouvelle. On avait étudié l’itinéraire jusqu’à l’hôpital. Mais pour un accouchement. Pas pour un curetage.
Et puis on en rêvait. Jour et nuit. La main posée sur le ventre. On lui parlait tout bas. On souriait toute seule. On se réveillait aux petites heures, juste pour se réjouir.
Peut-être qu’on s’est vraiment battu longtemps pour qu’il arrive au creux de nous. Enfin.
Et puis voilà. Ca s’arrête comme ça. Paf.
C’était pas prévu. C’est pas juste. C’est tellement pas juste. Et ça fait mal. Ce tout petit qui ne naîtra pas. Ca bouleverse tout profondément. Intimement.
Les autres peuvent-ils vraiment comprendre cela ? Peuvent-ils réaliser la profondeur de l’abysse qui s’ouvre soudain en soi ?
Alors quand ce drame-là frappe soudain, on est bien démuni. Toute perdue avec ce ventre soudain si vide. Pas préparée à ça.
C’est un deuil, quoi que les autres en diront. C’est un deuil qu’il faut se donner le temps et le droit de vivre. Verser chaque larme, jusqu’à la dernière. Lui dire au revoir, à ce tout petit qui ne naîtra pas. Lui donner un prénom peut-être. Lui donner le temps de s’en aller.
Se dire aussi qu’il a peut-être choisi de ne pas venir au monde. Finalement. Peut-être pas maintenant, pas ici.
Mais qu’il aura très probablement reçu tout cet amour qu’on lui aura donné.
Et puis après, après…
Après la colère, les larmes, les questions. Après tout ça, il y a la peur. La peur que cela ne marche plus, ou que cela ne marche jamais. Que notre ventre reste désespérément vide, infertile, mort.
Et là aussi, beaucoup ne comprendront pas.
Et pourtant l’angoisse est là. Tapie et prête à surgir ou sourde ou bruyante ou paralysante ou juste épuisante.
Il faudra bien faire avec. Car aucune Maman n’a le pouvoir de décider à la place de son petit.
Tout ce qu’elle peut faire c’est y croire, à chaque fois. Se donner le droit d’y croire vraiment. Le droit de l’aimer de tout son coeur. Le droit de s’abandonner au bonheur de l’attendre.
Et la vie fera le reste…
Car ce n’est pas en l’aimant moins fort, en ne s’y attachant pas trop, que la douleur de sa disparition sera moins grande…
Et parce que c’est peut-être ça, l’essence-même de notre rôle de parent. Dès les toutes premières minutes …
Leur donner tout notre amour, et les laisser vivre leur route… En espérant très fort qu’elle soit la plus douce, la plus longue et la plus merveilleuse possibles…
Mais juste leur donner tout notre amour …