Quel est l’impact du genre sur la manière d’aborder la sexualité?
Depuis quelques temps, je réfléchis à ce que nous pourrions mettre en place afin de faciliter la prise en charge sexologique des hommes ayant reçu le diagnostic d’un cancer de la prostate. Je me pose la question suivante : quel est l’impact du genre sur la manière d’aborder la sexualité afin d’envisager des pistes de prise en charge sexologique après un traitement pour cancer de la prostate ?
Pourquoi y a-t-il si peu de témoignages masculins sur internet en sachant que l’impact des traitements au niveau de la sexualité est une des principales préoccupation des hommes concernés ? Les consultations en oncosexologie semblent convenir tant aux femmes qu’aux hommes mais des dispositifs de prise en charge en format groupe semblent convenir aux femmes et non aux hommes. Quel dispositif pourrions-nous mettre en place pour les hommes ? Faut-il mettre de côté les dispositifs de groupe? Les formats « groupe de parole », « café papote » ne semblent pas convenir. Les séances d’informations et conférences semblent d’avantage répondre aux attentes.
La façon de s’adapter à un nouveau mode de vie semble dépendant du genre et de ses stéréotypes. [1]
Il s’agirait :
- D’investiguer les causes d’un manque de témoignages masculins à propos de la sexualité et cancer ;
- D’identifier les besoins des patient.e.s ayant reçu le diagnostic d’un cancer au sujet de leur sexualité en fonction du genre ;
- De proposer une approche permettant d’aborder cette question dans une prise en charge multidisciplinaire.
Voici déjà une piste de réflexion des plus intéressante :
Une équipe de chercheurs se sont posés les mêmes questions à propos des patient.e.s avec stomie. Après une revue de la littérature, ils ont menés huit entretiens semi-structurés auprès de professionnels de la santé. Voici ce qui s’en dégage:
« ( …) la perception sociétale de la masculinité pousse les hommes à se sentir diminués dans leur virilité aussitôt qu’une altération dans le fonctionnement de leur corps apparaît. Cette fragilité de l’image masculine fait qu’il y a peu de témoignages publics d’hommes, ces derniers étant perçus comme dévalorisés vis-à-vis de leurs pairs.
Cependant, lors des consultations avec un.e professionnel.elle, la confidentialité et le cadre leur permettent de s’exprimer plus facilement.
Toujours selon nos intervenant.e.s, cette difficulté à faire preuve de vulnérabilité mène à une limitation à parler ouvertement de leurs émotions et expériences personnelles. Les hommes ont plus tendance à être pragmatiques, car selon eux, s’il n’y a pas de problème fonctionnel, il n’y a aucun problème. Il ressort de certains entretiens que les femmes, quant à elles, possèdent des compétences émotionnelles plus développées. Le ton de la confidence entre femmes est plus accepté socialement, avec une moindre tendance au jugement et à la compétition. (…) Les différences liées au genre constituent ainsi des schémas récurrents, que les soignant.e.s peuvent garder en tête comme spectre de compréhension. Les intervenant.e.s constatent qu’au premier abord, les besoins des individus masculins concernent les aspects mécaniques et fonctionnels de la sexualité. Dans la société, il a été intégré que la virilité des hommes dans l’acte sexuel passe par l’érection et la pénétration. Il n’est cependant pas rare que ces inquiétudes dissimulent des problèmes psychologiques que les patients n’osent pas aborder spontanément. Ils sont soulagés quand le.la soignant.e lance la discussion. En ce qui concerne les femmes, sachant que les solutions qui nous ont été exposées pour pallier les problèmes fonctionnels (lubrification et douleurs) sont moins développées, les discussions portent plus souvent sur l’aspect émotionnel et le ressenti, avec une vision globale de la sexualité. Beaucoup d’importance est également accordée à l’image du corps ainsi qu’aux solutions vestimentaires, par exemple en termes de lingerie leur permettant de se sentir à nouveau attirantes.
Cependant tous.tes nos intervenant.e.s sont unanimes sur un point : l’identité de l’individu et sa personnalité prédominent sur le genre et déterminent principalement ses besoins. (…). »[2]
[1] Grant M, McMullen CK, Altschuler A, Mohler MJ, Hornbrook MC, Herrinton LJ, et al. Gender differences in quality of life among long-term colorectal cancer survivors with ostomies. Oncology Nursing Forum. 2011;38(5):587-96.