Nos jeunes et la pornographie : quelle influence sur le développement de leur sexualité ?
Je me suis véritablement délecté de la lecture du travail d’Eviane Schüpbach « sexualités des ados : quelles représentations et quels enjeux ? » Ce travail a été défendu en 2023 dans le cadre d’un DAS (Certificate of Advanced Studies) en Santé Sexuelle (Haute Ecole de Travail Social de Genève). Je prends la liberté de vous en partager certains extraits.
« L’étude JAMES (2022) faite en Suisse auprès de 1049 jeunes entre 12 et 19, indique que la moitié ans, ont déjà vu du contenu pornographique. Selon l’étude IFOP (2017) réalisée en France auprès de 1005 jeunes de 15 à 17 ans, 70% des mineur·e·s ont accès à de la pornographie gratuite à partir de leur téléphone. A 14 ans, la moitié des jeunes déclarent avoir déjà vu un film pornographique. Plus d’un·e ado sur deux considère avoir été trop jeune lorsque iel a vu de la pornographie pour la première fois. 55% des garçons et 44% des filles qui ont déjà eu un rapport sexuel considèrent que les films X qu’ils ont vus ont participé à leur apprentissage de la sexualité. 44% des jeunes sexuellement acti·f·ve·s ont déjà essayé de reproduire ce qu’iels ont vu à l’écran.
Ovidie (2018) interroge elle aussi l’influence de la profusion des images pornographiques et de la porn culture sur nos imaginaires sexuels. Elle met bien en avant que selon les époques et les milieux nous ne fantasmons pas de la même façon. Dans un double mouvement, la pornographie nourrit nos imaginaires érotiques, mais elle est aussi le reflet de notre société. « Le porno mainstream met en scène des fantasmes sexistes parce qu’il est le reflet d’une société sexiste qui, à son tour, se nourrit des codes du porno » (p. 41).
C’est justement une question que Puglia et Glowacz (2015) se sont posé dans leur recherche sur la sexualité des jeunes et de leurs représentations, en lien notamment avec la grande accessibilité à la pornographie. D’après les conclusions de leur enquête, menée en Belgique auprès de 319 ado âgé·e·s de 15 à 19 ans, les jeunes regardent de la pornographie tout comme celleux qui n’en consomment pas soulignent unanimement des aspects négatifs liés à la pornographie, et iels semblent conscient·e·s qu’elle représente de la fiction. Cependant, l’étude indique que les jeunes qui regarde de la pornographie « considèrent que ce média met en scène des relations sexuelles réalistes », qu’il montre « des pratiques sexuelles qui plaisent aux femmes » et que c’est un « outil d’éducation sexuelle » (Puglia & Glowacs, p. 4). Les jeunes qui consomment régulièrement du porno indiquent davantage d’effets positifs de ce média que celleux qui n’en consomment pas. Les premier·e·s s’imaginent que la pornographie peut influencer une entrée plus précoce dans la vie sexuelle – ce qui n’est pas avéré par la recherche. La fréquence des relations sexuelles est semblable entre les deux groupes. Ce qui diffère dans les pratiques sexuelles de celleux qui regardent de la pornographie, est un plus grand nombre de partenaires sexuel·le·s ainsi que des conduites sexuelles plus diversifiées (ibid., p. 6).
Les comportements de contraintes sexuelles semblent ne pas être influencée par le fait d’avoir ou non consommé de la pornographie. En effet, 17% des consommateurices et 14% des non consommateurices déclarent avoir contraint au moins une fois leur partenaire. 22% des consommateurices et 24% des non-consommateurices disent s’être déjà senti contraint·e·s par leur partenaire. Il est intéressant que les résultats de cette étude ne confirment pas que la contrainte sexuelle, et le fait de se rendre disponible pour la sexualité, soit plus présent chez les consommateurices, (ce qui est avéré dans d’autres études). Les autrices expliquent que la Eviane Schüpbach 1.09.23 19 « conscientisation des effets négatifs aurait un effet modérateur sur l’influence de la pornographie » (ibid., p. 5). Il est intéressant qu’aucun lien dans cette étude ne soit fait avec les potentiels effets des injonctions de genre présentes constamment dans la société. Les autrices expliquent que la consommation de pornographie est aujourd’hui banale et courante. Elles appuient l’importance de « développer l’esprit critique des jeunes » (ibid., p. 6) afin de court-circuiter l’influence de ce média, et d’informer les parents pour ouvrir un espace de discussion autour des sexualités (…). Toutefois, tous les jeunes, n’ont pas les mêmes opportunités de développer leur esprit critique. »
Sexualités des ados : quelles représentations et quels enjeux ? – Eviane Schüpbach – 2023