Sexualité et cancer du sein – Dr Marie Véluire
Pour beaucoup de mes patientes en oncologie la poursuite ou la récupération d’une vie sexuelle satisfaisante est un moyen de se sentir…vivre. Il s’agit de reprendre contact avec la vie.
« Les études transversales montrent toutes que la qualité de vie est altérée dans la phase diagnostique et thérapeutique primaire, mais qu’elle s’améliore et se stabilise avec le temps. Seule la vie sexuelle souffre d’une détérioration persistante.
L’analyse multivariée montre que la sécheresse vaginale est la variable modifiant tous les domaines de l’expérience sexuelle dans des études cas-contrôles.
Les chimiothérapies ont un effet négatif sur la fonction sexuelle pendant le traitement et jusqu’à 3 ans après sa fin, surtout chez les femmes préménopausiques. La baisse de désir sexuel est 3 fois plus importante que chez les femmes n’ayant pas reçu de chimiothérapie, à court et à long terme ; on retrouve de même une diminution de la fréquence des rapports et plus de difficulté à atteindre l’orgasme.
En ce qui concerne les traitements hormonaux, seul le tamoxifène n’a pas d’effets négatifs sur la sexualité chez les femmes de plus de 50 ans, mais il induit une augmentation franche des bouffées de chaleur. Les inhibiteurs de l’aromatase entraînent une sécheresse vaginale majeure dans toutes les études, comparativement au tamoxifène. Enfin, de façon générale, l’insuffisance ovarienne prématurée due à la sécheresse vaginale (estrogènes) et à une chute de la libido (androgènes) a un effet négatif.
L’étude de S.R. Burwell, en 2006, rapporte que le facteur prédictif le plus important pour maintenir une vie sexuelle satisfaisante concerne la perception de l’attractivité sexuelle (1). À chaque fois qu’elle est réduite, que ce soit du fait de la chirurgie, de la chimiothérapie, ou pour toute autre raison, la sexualité est moins satisfaisante.
Les autres facteurs prédictifs sont l’existence ou non de problèmes sexuels avant la maladie et, bien sûr, la sécheresse vaginale.
L’engagement relationnel et affectif du partenaire est également primordial ainsi que ses initiatives sexuelles. C’est l’une des multiples raisons de la nécessité de parler de sexualité au cours de la prise en charge d’un cancer. Cela permet de lever de nombreux doutes et fausses croyances.
En pratique
Les trois variables à retenir concernant la sexualité après un cancer du sein sont:
- la prise en charge de la sécheresse vaginale,
- la perception de l’attractivité sexuelle et
- une sexualité satisfaisante avant le cancer.
Interroger les femmes sur leur vie sexuelle est rarement vécu comme une intrusion, mais comme une possibilité de reprendre contact avec la “vraie vie”.
P.A. Ganz et al. ont montré qu’un programme d’accompagnement des patientes sur la sécheresse vaginale avec informations et conseils sur l’utilisation des lubrifiants vaginaux améliore significativement la satisfaction sexuelle (2).
Les estrogènes, même locaux, restant pour le moment contre-indiqués, il est nécessaire de savoir prescrire des lubrifiants, qu’ils soient à usage ponctuel (en cours de rapport sexuel) [Taido®, Ky®, Ophrys®, Sensilube® et Hydragel®], ou avec un effet de rémanence plus long [Saugella gel® ou Monasens®], permettant une utilisation non liée au rapport mais systématique, pour améliorer la souplesse vaginale. »